Le projet ROVER-NERVA
Bien avant le début de l'ère spatiale,
les ingénieurs aérospatiaux ont cherché à
développer des systèmes de propulsion de plus en plus efficaces.
Les systèmes de propulsion chimiques qui brûlent un carburant
et un oxydant pour produire la poussée furent les premiers à
évoluer. Avec leurs rapports poids/poussée élevés
(c à d, un moteur de petite taille peut produire une grande quantité
de poussée), les fusées chimiques à combustibles
liquides étaient les premières à nous permettre de
surmonter les liens de la pesanteur et de passer le seuil de l'espace.
Les systèmes de propulsion chimiques les plus efficaces aujourd'hui
brûlent l'hydrogène et l'oxygène liquides et ont une
ISP d'environ 450 secondes. L'impulsion spécifique, appelée
ISP, est une mesure de l'efficacité d'un système de propulsion.
Il peut être considéré comme la quantité de
poussée obtenue par unité de masse de propergol. Avec une
ISP de 450 secondes, par exemple, une livre (0,45 kilogrammes) de propergol
donne une poussée de 450 livres (2.000 newtons) par seconde.
L'ISP donne également la vitesse d’éjection des gaz
d'un moteur quand elle est multipliée par l'accélération
due à la pesanteur. Comme chaque spécialiste des fusées
le sait, plus la vitesse d'éjection des gaz est grande, plus une
fusée, d’une masse donnée, voyagera vite. Réciproquement,
des vitesses plus élevées d'éjection des gaz peuvent
traduire une plus grande charge utile pour une fusée donnée.
Des vitesses d'éjection plus élevées peuvent être
obtenues en augmentant la température et la pression dans la chambre
de combustion du moteur. Mais les limitations de résistance des
matériaux employés dans la chambre de combustion d'un moteur
ne permettent pas d’augmenter indéfiniment ces deux paramètres.
Les meilleurs systèmes chimiques de propulsion actuels sont déjà
très près de l’ISP maximal théorique.
L’hydrogène liquide et le fluor, pourrait fournir une augmentation
modeste d’ISP. Mais les difficultés d'ingénierie pour
l’utilisation du fluor liquide, dangereusement réactif, annule
tous les avantages. Aujourd'hui, les constructeurs de moteur-fusée
sont davantage concernés par l’augmentation du rapport poids/poussée
du moteur et par la réduction des coûts de fabrication.
Une autre famille de système de propulsion qui offre une ISP sensiblement
plus élevée est basée sur la technologie des ions
ou du plasma. Ici, des champs électromagnétiques élevés
accélèrent un fluide de fonctionnement ionisé à
des vitesses très élevées. Bien que de tels systèmes
puissent avoir une ISP supérieur à 1000, ils ont des rapports
poids/poussée minuscule.
Avec la masse du système de production d'électricité
exigé pour faire fonctionner ces moteurs, ces systèmes sont
seulement capables d'accélérations minuscules. Bien que
ces systèmes de propulsion aient leurs applications, des taux élevés
d'accélération combinées avec une haute ISP doivent
être recherchés ailleurs.
Une des possibilités les plus prometteuse dans l'extension de la
technologie des moteurs fusées est la propulsion nucléaire.
À la différence d'un moteur-fusée chimique qui emploie
la combustion pour chauffer les propergols qui sont expulsés par
la tuyère pour produire de la poussée, une fusée
nucléaire utilise un réacteur atomique pour surchauffer
un propergol léger, idéalement l’hydrogène.
Bien que les moteurs chimiques et nucléaires partagent des limitations
semblables d'ingénierie, le poids moléculaire très
faible de l'hydrogène comparé a celui du produit de combustion
d'un moteur hydrogène-oxygène (c.-à-d. de la vapeur
d'eau) explique les vitesses beaucoup plus élevées d'éjection
pour une température et une pression donnée dans le moteur.
Ceci explique aussi une ISP trois fois plus élevée, de l’ordre
de 1000 secondes. Mais un tel moteur peut-il être construit? Peu
après les premiers essais réussis d’armes nucléaires,
les premières études d’utilisations pacifiques de
cette source de puissance ont commencé. Dès 1944, Stanislas
Ulam et Frederick Hoffman du Los Alamos Scientific Laboratory (LASL) ont
étudié la possibilité d’utiliser des détonations
nucléaires pour le voyage dans l'espace. Tandis qu'un tel système
de propulsion serait étudié plus tard en détail dans
le cadre du projet Orion de l'ARPA (Advanced Research Projects Agency)
et du projet Daedalus de la société interplanétaire
britannique, on a estimé qu'une solution plus contrôlée
de l'énergie atomique serait plus appropriée.
En juillet 1946, North American Aviation et Douglas Aircraft remettaient
chacun un rapport secret sur leurs études internes pour la propulsion
nucléaire à l’US Air Force. Ces rapports de référence
indiquaient le moteur-fusée nucléaire "à transfert
thermique" (où un réacteur chauffe un fluide de fonctionnement)
comme la forme la plus prometteuse de propulsion nucléaire.
Un tel système de propulsion pouvait, en principe, être incorporé
à un ICBM pour lancer les ogives nucléaires à travers
le globe. Mais en dépit du rapport enthousiaste et des promesses
technologiques, on a identifié qu'il restait beaucoup de problèmes
techniques qui devait d’abord être résolus. Indépendamment
de ces rapports secrets, un groupe d'ingénieurs du Applied Physics
Laboratory de la Johns Hopkins University ont publié les résultats
de leurs propres études en janvier 1947.
En 1948 et 1949, deux britanniques, A.V. Cleaver et L.R. Shepherd, ont
également édité une série d’articles
dans le journal de la société interplanétaire britannique
sur le même sujet. Un peu avant que cette série d’article
ait été éditée, un scientifique chinois nommé
H.S. Tsien (qui plus tard a dirigé le programme chinois d’armes
nucléaire) a présenté un exposé au Massachusetts
Institute of Technology au sujet des fusées thermiques nucléaires.
Dans toutes ces études, la conclusion était que la propulsion
nucléaire semblait viable. Etant donné le nombre de personnes
qui sont arrivées indépendamment aux même conclusions,
il était clair que l’US Air Force n'aurait pas le monopole
dans les études de la propulsion nucléaire. Mais tout cet
enthousiasme pour les fusées nucléaires a été
tempéré par un rapport technique ultérieur de North
American Aviation. Ce rapport concluait qu'un ICBM propulsé par
un moteur fusée nucléaire ne serait pas d’utilisation
pratique. Les scientifiques de North American estimaient que le réacteur
d'une fusée nucléaire devrait fonctionner d'une manière
continue à la température fantastique de 3200°C, beaucoup
plus que pour les réacteurs existants alors.
Aucun matériau connu ne pouvait résister à de telles
températures et conserver les propriétés mécaniques
nécessaires dans un moteur. Avec ceci et d'autres problèmes
identifiés, l'intérêt pour les fusées nucléaires
s'est ralenti sensiblement pendant que les années 50 commençaient.
Mais certains n’était pas d’accord avec les perspectives
pessimistes pour les moteurs fusées nucléaires. Tandis que
le développement des moteurs-fusée nucléaires était
en grande partie abandonné après le rapport de North American,
le travail sur les turboréacteurs nucléaires d'avion a continué.
Au début des années 50, Robert W. Bussard qui avait travaillé
sur ces systèmes nucléaires de propulsion d'avion au Oak
Ridge National Laboratory de l’AEC (la Commission à l'énergie
atomique des USA) a réexaminé les moteurs-fusées
nucléaires.
Il a conclu que les rapports précédents étaient trop
pessimistes et que les fusées nucléaires étaient
probablement réalisables. Bussard a estimé qu'ils pourraient
pertinemment concurrencer les fusées chimiques particulièrement
sur de longs vols avec des charges utiles lourdes. En 1955, en se basant
sur les calculs et la capacité à convaincre de Bussard,
l’US Air Force a décidé de rouvrir des études
sur le concept pour une utilisation possible sur ICBM.
Pour le nouveau programme AEC-USAF, la Nuclear Propulsion Division dirigée
par Raemer E. Schreiber a été crée au LASL. Un groupe
semblable a été également constitué au Lawrence
Radiation Laboratory de l’AEC à l'université de Californie.
Mais les réductions de budget en juin 1956 ont eu comme conséquence
une élimination des efforts et une fusion des divers groupes d’étude
de la propulsion nucléaires.
Le résultat était que Livermore avait la responsabilité
de développer un ramjet nucléaire sous le nom de code "projet
PLUTO". Le programme de fusée nucléaire était
confié à Los Alamos sous le nom de code " projet ROVER
". Une série d’études techniques avec des noms
de code fantaisistes comme "Dumbo" (une conception de réacteur
pour moteur) et "Condor" (une fusée nucléaire)
ont été réalisées. Par la suite, un concept
de réacteur nommé "kiwi" a été sélectionné.
Comme son homonyme de Nouvelle Zélande incapable de voler, les
réacteurs d'essai kiwi ne voleraient pas mais étaient néanmoins
essentiels au développement d'un moteur-fusée nucléaire
opérationnel.
Kiwi-A était une série de réacteurs d'essai qui emploieraient
l'hydrogène comprimé pour réaliser des études
au sol des éléments de moteurs fusées nucléaires.
Le combustible, du carbure d’uranium, serait placé à
l'intérieur d'un noyau de graphite qui pourrait fonctionner à
températures élevées (3000°C). Le graphite pouvait
supporter des températures jusqu'à 3300°C avant de commencer
à perdre ses propriétés mécaniques, mais c'était
également un excellent modérateur qui pourrait ralentir
la production des neutrons par fission.
Mais avant même que le premier Kiwi-A ait été
construit, il y avait déjà des changements de programme.
Vers la fin 1957, il était devenu évident aux yeux des planificateurs
de l’US Air Force que le missile Atlas fournirait aux USA une capacité
ICBM sans recourir aux technologies exotiques comme les moteurs-fusées
nucléaires. Le programme de moteur-fusée nucléaire
en gestation serait mort une deuxième fois sans le lancement de
Spoutnik le 3 octobre 1957.
La pression de la concurrence communiste signifiait que les technologies
de pointe comme les moteurs-fusées nucléaires seraient rapidement
développés pour donner au pays des arguments dans l'exploration
de l'espace. Avec la création de la NASA le 1 octobre 1958, le
programme de fusée nucléaire AEC-USAF a été
transformé en activité AEC-NASA. Devenu inutiles pour la
défense, les fusées nucléaires étaient idéales
pour des applications spatiales.
En août 1960 le Space Nuclear Propulsion Office (SNPO) du programme
AEC-NASA était créé avec Harold B. Finger (qui sept
ans après deviendrait administrateur de la NASA) en tant que son
gestionnaire. Le but du SNPO était de développer les fusées
nucléaires qui permettraient aux USA de battre l'Union soviétique
pour la course à la lune et aux planètes. Tandis que tous
ces changements administratifs intervenaient, les ingénieurs étaient
occupés à se préparer aux premiers essais réels
de matériel.
La première mise à feu du réacteur Kiwi-A a eu lieu
en juillet 1959 à la Nuclear Rocket Development Station de Jackass
Flats, Nevada (à 145 kilomètres de Las Vegas). Le moteur
a fonctionné avec succès pendant cinq minutes en produisant
une puissance de 70 mégawatts tout en atteignant une température
de 1500°C. En 1959 et 1960, deux réacteurs supplémentaires
Kiwi-A ont été testés avec succès. Un début
prometteur vers la prochaine étape: Kiwi-B.
Les ingénieurs du SNPO ont rapidement proposé
de construire des moteurs-fusées nucléaires opérationnels.
En automne 1960 ils proposent de construire le premier moteur-fusée
nucléaire appelé NERVA (Nuclear Engine for Rocket Vehicle
Application). Le NERVA produirait environ 245 KN de poussée (environ
25 tonnes de poussée) avec une ISP proche de 1000 secondes. En
juillet 1961, Aerojet General Corporation était choisi comme constructeur
du moteur tandis que le laboratoire Astronuclear de Westinghouse Electric
Corporation devait construire le réacteur du NERVA
Ensuite, un véhicule qui utiliserait un moteur NERVA devait être
conçu. En mai 1962, le Marshall Space Flight Center de la NASA
accordait un contrat à Lockheed Missile & Space Company pour
construire le RIFT (Reactor In-Flight Test). Mais sans utilisations opérationnelles
identifiées pour un étage de fusée aussi puissant,
une telle réalisation était probablement injustifiée.
Pendant ce temps, le programme d'essai de Kiwi-B débutait. La série
Kiwi-B testerait des modèles réels de réacteur pour
le vol. Ceux-ci étaient conçus pour fonctionner à
environ 2000°K et produire 1,1 Gigawatts de puissance. À la
différence de la série Kiwi-A qui a utilisé de l'hydrogène
comprimé, Kiwi-B devait fonctionner en utilisant l'hydrogène
liquide. En décembre 1961, Kiwi-B1A a été testé
avec succès en utilisant de l'hydrogène comprimé.
Le premier essai avec l'hydrogène liquide a eu lieu en septembre
1962 avec Kiwi-B1B.
Cependant, pendant l’essai, le noyau de graphite s’est fendu
et des débris brûlants ont été éjectés
par la tuyère. Espérant que cette panne était simplement
due à un composant défectueux, le programme d'essai a continué
avec Kiwi-B4A qui devait tester la conception finale du réacteur
choisi pour le NERVA.
Mais au premier essai, le 20 novembre 1962, des débris étaient
aussitôt éjectés par la tuyère du moteur. Il
y avait évidemment une imperfection de conception importante dans
le réacteur Kiwi-B qui faisait rompre le noyau de graphite en utilisant
l'hydrogène liquide. Pendant un an et demi, les ingénieurs
et les scientifiques du SNPO ont lutté pour comprendre le problème
et le corriger. Tandis que le travail avançait lentement pour construire
un Kiwi-B modifié, le RIFT continuait de dépérir
en raison du manque de missions. Le problème était similaire
à celui d’un autre programme de la NASA, le Saturn-C : Trop
de performance trop tôt.
Les résultats des essais des réacteurs Kiwi sont si encourageants
que la Nasa entreprend le développement d'un propulseur nucléaire
susceptible d'être placé sur un premier étage de fusée
classique. Mais l'augmentation de puissance du réacteur entraîne
des problèmes d'alimentation en hydrogène et des vibrations
du moteur. Il faut plus de deux ans pour les maîtriser, avec la
série Kiwi B, dont les essais débutent en 1961. Ce moteur
est alimenté par de l'hydrogène liquide.
Deux projets pré-opérationnels se concrétisent :
l'étage supérieur RIFT (Reactor In Flight Test), confié
au centre spatial Marshall de Huntsville (Alabama), et le NERVA (Nuclear
Engine for Rocket Vehicle Application) confié à la firme
privée Aerojet General. Il s'agit déjà d'engins imposants
puisque le RIFT pèse 50 t et que le réacteur Nerva ne mesure
pas moins de 7 m de long.
En 1965, la Nasa commence à travailler sur un réacteur expérimental
de grande puissance, le Phoebus 1-A. En février 1966, un autre
progrès important est obtenu avec le premier réacteur de
la série NRX, qui fonctionne pendant 110 minutes, dont 2 min à
plus de 1100 MW, puissance électrique des plus grosses tranches
de centrales nucléaires actuelles ! Pour la première fois,
les turbopompes amenant l'hydrogène ne sont pas isolées
du réacteur par du béton, mais directement intégrées
sur le bâti même de celui-ci comme sur un vrai lanceur.
La fusée nucléaire prend alors forme et le 23 février
l967, un moteur Phoebus 1-B, délivrant 34 t de poussée pour
l 500 MW, confirme la validité du concept du réacteur a
cœur solide retenu pour le moteur Nerva que Von Braun envisageait
d'utiliser comme étage supérieur sur une fusée Saturne,
pour les futures missions martiennes. De mars à septembre 1969,
pendant que tous les regards sont tournés vers les premières
missions de débarquement sur la Lune, le Nerva subît toute
une série d'essais satisfaisants, atteignant une poussée
de 25 tonnes.
A la Fin de l'année 1969, les Américains
peuvent ainsi se vanter d'avoir résolu les principaux problèmes
techniques posés par la mise au point d'une fusée nucléaire,
qu'il s'agisse de l'alimentation en propergol par turbopompe, de la stabilisation
de la réaction en chaîne, de l'arrêt et du réallumage
du propulseur, de la tenue des matériaux dans la chambre de combustion
et la tuyère, de l'électronique de contrôle et de
guidage, de l'évacuation de la chaleur excédentaire et de
la protection contre les rayonnements.
La mise au point d'un Nerva opérationnel (d'une poussée
de 34 tonnes) et son assemblage comme étage supérieur sur
une fusée Saturne 5 apparaissent alors possibles a brève
échéance. Mais, à la surprise générale,
le programme est brusquement interrompu en 1972, alors qu'un propulseur
Nerva 2 de 90 tonnes de poussée, d'une puissance de près
de 5000 MW, est en cours de mise au point.
Les spécialistes américains ont en tout cas franchi beaucoup
de barrières technologiques et étaient sur le point après
dix ans d'essais, de disposer d'un propulseur opérationnel. Le
champ de tir de Jackass Flats est fermé en 1973 avant d'être
tout aussi mystérieusement réouvert en 1991. Mais au centre
nucléaire de Los Alamos, les études théoriques n'ont
jamais vraiment cessé...
Tests des moteurs du projet ROVER
Nom Date
Kiwi A Juillet 1959
Kiwi A 1959 1960
Kiwi B1A (essai avec hydrogène gazeux sous pression) Décembre
1961
Kiwi B1B (premier essai avec hydrogène liquide) Septembre 1962
Kiwi B4A (rupture du coeur nucléaire) 20 novembre 1962
Kiwi B4D (un essai de puissance) Mai 1964
Kiwi B4E (deux essais de puissance) Aout 1964 - Sep 1964
NRX-A2 (deux essais de puissance) Sep 1964 - Oct 1964
Kiwi-TNT Jan 1965
NRX-A3 (trois essais de puissance) Avr 1965 - Mai 1965
Phoebus-1A (un essai de puissance) Juin 1965
NRX/EST (dix démarrages) Dec 1965 - Mars 1966
NRX-A5 (deux essais de puissance) Juin 1966
Phoebus 1B (un essai de puissance) Fevrier 1967
Phoebus 2 (tests de flux froid) Juillet 1967 - Aout 1967
NRX-A6 (un essai de puissance)* Dec 1967
XECF (tests de flux froid) Fevrier 1968 - Avril 1968
Phoebus-2A (trois essais de puissance) Juin 1968 - Juillet 1968
Pewee-1 (deux essais de puissance) Nov 1968 - Dec 1968
XE (28 démarrages) Dec 1968 - Aout 1969
*a fonctionné 60 minutes à pleine puissance (1,100MW)
Pour l'expédition habitée définitive vers Mars, on
envisageait un moteur NERVA 2 plus puissant, de 90.700 Kg de poussée.
La poussée pouvait être bien plus petite que celle des grandes
fusées chimiques parce que la mission commencerait sur orbite terrestre.
Pour réunir les conditions nécessaires
au voyage interplanétaire, les ingénieurs développèrent,
une technologie de "blocs de construction" dans laquelle les
modules de propulsion Nerva séparés pouvaient être
groupés pour répondre à diverses exigences.Pour des
raisons de sécurité, on proposa de bâtir l'expédition
vers Mars autour de deux vaisseaux de même plan. Un équipage
de six hommes prendrait place dans chacun d'eux, dans des quartiers qui
ne différeraient guère de ceux qui étaient envisagés
pour les stations de longue durée.
Quittant l’orbite terrestre le 12 novembre 1981 (selon l'un des
plans prévus), ils s'arrimeraient nez a nez dès que les
lanceurs Nerva accolés au cylindre central se seraient séparés.
Ces fusées devaient assurer l'unique propulsion nécessaire
pour lancer 1e navire sur la route de Mars. Vers la fin de la route de
transfert vers Mars, les vaisseaux se sépareraient en vue des manœuvres
de freinage qui leur permettraient de se mettre en orbite autour de la
planète.
Le premier stade de l'exploration serait consacré
a des observations depuis l'orbite et au lâcher de sondes automatiques
destinées à tester les divers sites d'atterrissage envisagés.
Une fois les résultats analysés, les équipes
d'atterrissage descendraient dans des capsules du type Apollo tandis que
leurs vaisseaux-mères continueraient a étudier scientifiquement
la surface et l'atmosphère. Pour les aider à explorer les
environs, les équipes d'atterrissage auraient emmené avec
elles des Rovers mus à 1'électricité ci un équipement
de laboratoire pour pouvoir procéder sur place aux analyses de
sol et de roches. Ils se limiteraient à un séjour de 30
jours à la surface de Mars.
Cependant, le voyage de retour ne pourrait s’effectuer
dès que les équipes d'atterrissage auraient rejoint leurs
vaisseaux-mères, il serait nécessaire d'attendre 80 jours
depuis le moment de l'arrivée pour que les trois planètes,
Mars. Vénus et la Terre, se soient placées dans la position
correcte sur leurs orbites respectives. Si l'un des véhicules venait
à être en panne, les 12 membres de l’expédition
pourraient s'installer dans l'autre.
Au moment prévu, les moteurs seraient remis en
marche pour lancer les véhicules réarrimés sur une
trajectoire courbe autour du Soleil. Celle-ci les amènerait près
de Vénus de manière a obtenir une action de Freinage de
son champ de gravitation, ce qui détournerait les navires vers
une route qui rencontrerait la Terre sur son orbite. Après un voyage
global de 640 jours, les deux navires, a nouveau séparés,
basculeraient sur l'orbite terrestre le 14 août 1983. Les équipages
seraient alors transférés dans des navettes spatiales pour
rentrer chez eux.
Von Braun, qui avait joué un rôle déterminant
dans la conception de la mission, proposa que les grands navires interplanétaires
soient parqués sur orbite terrestre afin de pouvoir les utiliser
pour d'autres missions après qu'on eut procédé a
un nécessaire entretien et qu'on eût refait le plein d'hydrogène.
Même les fusées accolées et larguées, estimait-il,
devaient pouvoir être renvoyées en orbite pour être
réutilisées.
Divers facteurs s'unirent pour empêcher le projet
d'être pris sérieusement en considération. D'abord,
le coût élevé d'une aventure qui. en 1969 semblait
devoir atteindre les limites de la technologie. Ensuite, l'impact clé
la guerre du Vietnam sur l'économie des Etat Unis. En troisième
lieu l'avance des techniques d'exploration par robots qui promettait de
fournir des informations de base sur Mars pour une petite fraction du
coût envisagé.
Enfin, l'atténuation du défi soviétique
d'être les premiers dans l'espace. (Si les Russes avaient été
les premiers a atterrir sur la Lune. l'histoire aurait été
très différente). En conséquence, le projet NERVA.
pour lequel des millions de dollars avaient été dépensés
fut abandonné.
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