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Dossier
spécial ISS :
Partie 1 : les
origines
La conquête
de l'espace, sous l'impulsion de la guerre froide est-ouest, a très
rapidement propulsé l'homme jusqu'à la Lune. Ce faisant,
les progrès technologiques ont évolué dans
les proportions que l'on connaît en fournissant aux scientifiques
des moyens dont ils n'auraient osé rêver quelques années
plus tôt. Et bien vite, aller dans l'espace cessait d'être
une fin en soi pour devenir un besoin, permettant l'avènement
de ce formidable outil, de cette position privilégiée
qu'est l'orbite terrestre dans l'accomplissement de nombreuses tâches.
Aussi, le besoin de disposer d'une station spatiale
habitée a été ressenti très tôt
dans l'histoire de l'astronautique. D'abord conçues à
des fins militaires comme la série des Saliout soviétiques,
puis scientifiques comme l'éphémère Skylab
américaine, qui ne pouvait être exploitée durant
plus de trois mois d'affilée, sans oublier Mir dont la destinée,
suite à l'effondrement de l'URSS, allait s'internationaliser,
disposer d'une base dans l'Espace, disponible à tout instant,
allait s'avérer de la première importance.
"L'Homme est un manchot à deux bras",
suivant une expression attribuée à Lorentz. Il dispose
d'une fonction cognitive desservie par deux mains et un cerveau
hautement sophistiqué lui permettant de résoudre des
problèmes que les autres espèces sont bien incapables
de seulement appréhender, mais il est contraint par sa nature
d'évoluer dans un référentiel à deux
dimensions. L'aviation ne lui a permis jusqu'ici que d'accroître
l'épaisseur de sa sphère d'action. Avec le vol spatial,
c'est une troisième dimension qui lui est offerte.
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La Station Spatiale Internationale, telle qu'elle
se présentera à l'issue de sa construction. |
Apporter des solutions à
des recherches menées sur Terre en les plaçant sous
un angle différent, tel est le moyen que pourra nous fournir
cette station spatiale en permettant de profiter de cet environnement
particulier qu'est l'Espace, avec les avantages de la microgravité
et de l'absence d'atmosphère.
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L'enfantement :
La NASA amorce les premières réflexions
sur un projet de station spatiale sur orbite terrestre au début
des année soixante. Suivant ce premier concept, elle serait
occupée en permanence par un équipage de dix à
vingt astronautes et déjà, ses applications se prévoient
nombreuses: laboratoires, observatoire astronomique, ateliers de
montage, dépôts de pièces et matériel,
station-service, nœud et base de transport et de relais.
De 1963 à 1966, les plans d'une station
orbitale s'inspiraient directement du matériel mis en œuvre
pour les missions Apollo. C'est ainsi que le 14 mai 1973 Skylab
fut lancé par une fusée Saturne 5 dont seuls les deux
premiers étages étaient actifs, le troisième
constituant le corps de la station. Mais Skylab ne devait constituer
que la démonstration de faisabilité d'un projet bien
plus ambitieux, et le concept devait rapidement évoluer vers
un laboratoire orbital dont les éléments seraient
transportés par la Navette spatiale, dont le premier vol
était attendu pour la fin des années 70.
En avril 1983, le Président Reagan demande
que soit établi un projet de station spatiale par la NASA,
puis le 25 janvier 1984, lors de son discours annuel sur l'"état
de l'Union", annonce la décision d'en entreprendre la
construction dans un cadre international. Son coût est alors
estimé à huit milliards de dollars. La NASA crée
un bureau d'études le 27 juillet.
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La station américaine Skylab.
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Différentes configurations sont alors envisagées
par la NASA durant cette décennie, prévoyant tantôt
une alimentation en énergie à base de panneaux solaires,
tantôt de générateurs de 300 kW à collecteurs
paraboliques, ou encore une conception sur assemblage à
base triangulaire de poutrelles métalliques. Ces études,
souvent rejetées en raison du prix élevé
de leur réalisation, entraînent une inflation de
plus en plus rapide du coût du programme.
Le 31 janvier 1985, l'ESA (European Space Agency) s'associe au
projet, puis est suivie par le Canada le 16 avril et le Japon
le 9 mai de la même année. Mais le 28 janvier 1988,
la navette Challenger explose en vol, ce qui entraînera
un retard considérable de tous les projets de la NASA et
une refonte complète du programme spatial. C'est le 20
août que les nouveaux plans seront définis, ils sont
alors évalués à 10,9 milliards de dollars.
En 1987, diverses études successives,
menées par la NASA et le Conseil de la Recherche américain,
rehausseront l'estimation du coût de la station à
13 milliards de dollars d'abord, 24,5 milliards de dollars ensuite.
Le 16 juillet 1988, le Président Ronald
Reagan baptise la station du nom de Freedom (Liberté).
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La station soviétique Mir, devenue la
première véritable station spatiale internationale
suite à l'effondrement du régime communiste en 1990.
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En 1993, l'administration Clinton
invite la Russie à se joindre au projet qu'elle révise
entièrement et redéfinit en suivant un concept dérivé
des plans de Freedom et de la station russe Mir 2 qui devait succéder
à Mir. Le projet est rebaptisé "Alpha".
En février, le Président Bill Clinton exige de la
NASA que le coût de la station soit divisé par deux;
l'agence doit proposer une nouvelle conception pour le mois de juin.
Dès 1993, les Américains estiment nécessaire
de profiter de la longue expérience de la Russie, maintenant
alliée au projet, dans le domaine des longs séjours
à bord de stations spatiales, dans le but d'éviter
de reproduire certaines erreurs stratégiques ou technologiques
susceptibles de provoquer de lourdes dépenses inutiles.
Le 16 décembre, la NASA et la RKA (l'agence spatiale russe)
marquent leur accord pour 10 vols de navette vers Mir, et le 23
juin 1994, la NASA acceptera d'en payer le coût, 400 millions
de dollars.
Nous sommes le 13 juin 1995, et le coût d'exploitation
de la station est maintenant estimé à 93,9 milliards
de dollars, dont 50,5 milliards de dollars rien que pour les vols
de navettes. Plusieurs accostages se sont ainsi accomplis entre
1995 et 1998 durant lesquels onze astronautes américains
purent totaliser 975 jours de présence à bord de
la vénérable station Mir. A neuf reprises, les navettes
spatiales US se sont arrimées et ont ravitaillé
Mir en hommes, vivres et matériel.
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Ebauche de la station Mir-2. Les quatre éléments
principaux sont directement déviés du corps central
de la navette spatiale Bourane, qui n'a jamais été
exploitée.
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Le 14 octobre 1997, c'est au tour
du Brésil de rejoindre l'équipe, et à Washington
en 1998, ce sont 16 nations qui participent au projet: les Etats-Unis,
11 états de l'Agence européenne, le Canada, le Japon,
le Brésil, la Russie. La construction peut débuter.
Mais l'arrivée de la Russie a aussi impliqué une refonte
totale de l'organisation logistique de la station, de ses installations
et ressources, de son partage, et bien entendu, de son coût
d'exploitation. Dans la foulée, le nom d'"Alpha",
qui ne plaît pas aux Russes car ils estiment que ce sont eux
qui ont créé la véritable première station
orbitale, est simplement dénommée "Station Spatiale
Internationale", ou "International Space Station",
ISS.
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Le module Zarya (vue d'artiste).
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Et le 20 novembre 1998, le premier élément
de la Station Spatiale Internationale, le module "Zarya",
est mis en orbite par les Russes au moyen d'une fusée Proton
lancée depuis Baïkonour. L'aventure peut réellement
commencer.
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