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Dossier
spécial ISS :
Partie 7: la sécurité
En quarante ans d'activité humaine dans l'espace, l'homme
y a laissé des traces. La Terre est aujourd'hui entourée
d'un véritable nuage de débris de toutes sortes.
Débris de satellites, étages de fusées, mais
aussi un tas d'objets hétéroclites comme des outils,
des gants, des boulons, et même des sacs d'excréments
parcourent l'espace circumterrestre en tous sens, menaçant
de plus en plus tout objet en orbite, d'autant plus si celui-ci
est de grande taille.
Bien entendu, le centre de commandes de la NASA se charge de
dévier la route de la station lorsqu'un débris est
détecté aux alentours. Mais si des objets d'un diamètre
supérieur à 10 cm sont aisément repérables
depuis le sol, il n'en va pas de même pour des fragments
plus petits. Et si un corps de si petites dimensions peut paraître
insignifiant face à la taille de la station, il n'en va
plus de même si l'on considère les vitesses entrant
en jeu, plusieurs kilomètres par seconde, plusieurs dizaines
de fois supérieures à celle d'une balle.
Dans le cas de l'ISS, le risque de rencontre a été
évalué par la NASA et varie de 0,3% à 2%
par an, suivant la taille du module. Ainsi, Unity, lancé
en novembre 1998, a-t-il annuellement 0,75% de probabilités
d'être perforé, le réservoir à xénon
(gaz servant à assurer la neutralité électrique
de la station) 0,45% et le module d'habitation russe 1,8%. Cela
peut paraître faible, mais si on additionne la trentaine
de modules de l'ISS, on obtient un risque estimé à
23,75% sur 10 ans, ce taux grimpant à 40,5% sur 20 années.
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La Station Spatiale Internationale, telle qu'elle
se présentera à l'issue de sa construction.
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La plupart des perforations pourront heureusement être
rebouchées par l'équipage. Mais un trou dans un
endroit inaccessible pourrait rendre inopérationnel un
module entier, les astronautes de Mir en savent quelque chose…
Pire, un impact dans un module clé peut conduire à
l'isolement complet d'un segment entier. Quant à la perforation
du réservoir de xénon à haute pression, elle
entraînerait immanquablement son explosion par phénomène
de catastrophic unzipping, ou décompression catastrophique.
Dans cette hypothèse, il n'y aurait plus rien à
récupérer, ni matériel, ni astronautes…
Aussi la NASA a-t-elle décidé d'équiper
tous les modules de la Station Spatiale Internationale de boucliers
de protection, avec une exception logique pour certaines zones
non critiques, comme les panneaux solaires. 200 types de protections
différentes barderont l'ISS, mais en général
elles se composeront d'un bouclier fait de plusieurs couches d'aluminium
et de céramique renforcée au kevlar (dont on confectionne
les gilets pare-balles) capable d'arrêter une particule
de 1cm de diamètre dont la vitesse ne dépasse pas
7 km/seconde.
Leur composition, leur nature et leur localisation dépendront
essentiellement des caractéristiques de chaque organe protégé,
de la nature et de l'épaisseur de son propre revêtement.
Dans le cas des modules de vie, le bouclier multi-couches, particulièrement
résistant, est maintenu à plusieurs centimètres
de la surface de la paroi. Si un débris le percute, il
est d'abord vaporisé par la première couche de cette
couverture, et le reliquat du bolide est diffusé vers les
suivantes.
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La meilleure illustration de l'effet d'une
collision à haute vitesse entre deux corps. Au moyen d'un
canon à hypervélocité, une bille d'aluminium
de 12 mm de diamètre a été projetée
contre un bloc du même métal de 15 cm d'épaisseur
à une vitesse de 6,8 km/seconde, soit 24.480 km/heure.
Résultat: le cratère est proportionnellement
énorme et a provoqué un décollement de matière
sur la face opposée. La bille d'aluminium, elle, s'est complètement
vaporisée.
Crédit ESA.
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Un dixième de la masse totale de l'ISS est ainsi constitué
de boucliers. Dans la mesure du possible, cette cuirasse sera
fixée sur les divers éléments de la station
avant leur lancement, ainsi que cela a été fait
lors des mises en orbite de Zarya et Unity. Pour les parties non
protégées d'origine, le rôle reviendra aux
astronautes de les y installer lors de sorties extra-véhiculaires.
Durant la phase d'assemblage et durant toute la vie de la station,
les astronautes auront ainsi pour mission de détecter tout
défaut apparaissant dans cette protection.
Le 25 juin 1997, un vaisseau de ravitaillement
Progress manquait son amarrage et entrait en collision avec la
station Mir. Même à faible vitesse, les dégâts
sont considérables. Deux panneaux solaires ont été
détruits, et le module sur lequel ils étaient fixés
(Spektr) irrémédiablement inutilisable.
Pas de protection pour les marcheurs
de l'espace !
Les astronautes qui effectuent des missions à l'extérieur
de la station dans leur MMU (Extra-vehicular Mobility Unit), le
scaphandre spatial, ne sont pas protégés. En fait,
le corps humain représente une surface très réduite
et les risques d'être percuté par un débris
sont extrêmement faibles, d'autant plus que l'exposition
au vide reste très courte, maximum six heures, comparativement
à un satellite.
L'accident le plus plausible pour un astronaute, mais il ne s'est
jamais produit jusqu'à ce jour, est l'apparition d'un petit
trou dans le scaphandre, de la taille d'une tête d'épingle,
provoquée par un impact. Néanmoins cela reste très
improbable, car le revêtement est aussi constitué
de nombreuses couches de matériaux différents, et
même si sa composition n'a pas été étudiée
pour arrêter un débris ou une micrométéorite,
il en est parfaitement capable à l'instar des blindages
de l'ISS.
Mais même si cela se produisait, par exemple dans un endroit
plus faible comme les articulations, la vie de l'astronaute ne
serait pas pour autant en danger. Tant que le trou ne dépasse
pas un millimètre de diamètre, le système
de secours du MMU garantit au moins une demi-heure de délai
avant que la situation devienne critique, et dans tous les cas
il restera toujours une réserve d'oxygène suffisante
dans le scaphandre pour faire face à cette éventualité
et éviter une décompression rapide.
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